vendredi 20 juillet 2012

I was in New York

FEVRIER dans une usine bretonne. Il fait froid, je suis malade, je suis face à une corvée insupportable. Je respire ces putains de vapeurs de résine qui me rendent allergique. J'éternue 20 fois par minute, mon nez coule comme c'est pas permit et tout le monde s'en balance de mes allergies à cette résine de m****. Je crache mes poumons, et ma respiration se fait douloureuse. J'ai des immondes ampoules aux mains à force d'essayer de récupérer ces centaines de pièces non-conformes, censées partir à la décharge. Il paraît qu'il n'y a que moi qui a l'habilité nécessaire pour faire ça: Faible consolation et faible reconnaissance quand on voit le nombre de sourires en coin... Cette bande de cafards se contrefout totalement que j'en chie à mort. Je les hais du plus profond de mon être.
Le ras-le-bol m'envahit comme jamais, je vais exploser. Deux ans que ce dure ce merdier c'est beaucoup trop. Et ça ne fait qu'empirer. Je suis désenchanté, rabaissé, l'estime de moi est au plus bas et j'ai fait beaucoup trop de concessions face à cette bande d'incompétents prétentieux. Tout ça ne peut finir que dans une vendetta furieuse.
J'ai déjà préparé ma sortie: A la première réflexion acide, je m'en irai pour de bon de façon magistrale, en assénant mes quatre vérités à mes petits chefs, y'aura même peut-être quelques trucs cassés et quelques doigts levés.
Et puis dans un ultime effort raisonnable et surhumain, j'ai décidé de m'écraser et d'encaisser une fois de plus sans rien dire. "Oui tu vas te casser mais tu dois d'abord encaisser et serrer les dents, tu vas jusqu'au bout de ton engagement, tu en bave encore pendant deux mois, tu prends la prime de fin de contrat et avec le fric tu te casses en vacances à New-York, ce sera ta carotte, ta récompense."
Deux jours plus tard je réserve dans la foulée un aller-retour sur XL Airways et une chambre dans l'hôtel le moins cher d'e-booking qui se trouve à Chinatown. Ouais... je cherche vraiment l'aventure sur ce coup-là.


JUIN Aéroport JFK. Dos au mur, j'en mène pas large, plus moyen de faire machine arrière. Putain quel pôv' con! Pourquoi donc suis-je parti tout seul? Il est minuit. J'ai le décalage horaire dans la gueule mais je suis pas fatigué, je suis beaucoup trop sur les nerfs. Faut que je me choppe un taxi jusqu'à mon hôtel. Ha oui ce fameux hôtel... Deux jours auparavant j'ai consulté les avis sur les sites spécialisés: "C'est un hôtel à clodos, rempli de cafards, insalubre, il y a des chats dans le couloir (!) le personnel est désagréable, arnaqueur, et ne fait jamais le ménage." Dans un éclair de lucidité je me suis dis qu'à moins de 600$ et aussi bien situé en plein sud de Manhattan... comment pourrait-il en être autrement ? J'ai les boules. Je vais vivre dans un taudis et me faire détrousser. C'est la merde. Je finis par trouver un taxi, ce sera donc le sosie de Morgan Freeman avec un chapeau de paille qui me fera découvrir Manhattan pour la première fois. Le stress s'évacue aussitôt laissant place à l'excitation devant NYC qui défile sous mes yeux. Mince j'y suis enfin... Je finis par le découvrir ce fameux hôtel et je me dis que ceux qui notent  sur internet sont donc définitivement des gros cons. Ce pieux, je saurais largement m'en contenter. La chambre est petite, pas de placard, pas de fenêtre mais y'a HBO et les lieux sont propres, de même que la salle de bains commune. Tout est cool. Y'a aucun lézard. Je vais me démmerder. T'as plus qu'à profiter d'être dans la ville de tes rêves .


Jour 1 Manhattan, Chinatown. Lors de ce premier contact avec la ville, je suis rendu compte que je réside dans un quartier super sympa où tous les gens parlent chinois, un peu plus loin tous les gens parlent italien. Durant ce premier jour, j'étais censé apprivoiser les alentours et décompresser un peu. Et puis tu réalises où tu es. Tu te rends compte que tu ne peux pas te contenter de rester dans un coin. New-York ne s'apprivoise pas, il se dompte, et il faut aller à sa rencontre pour l'affronter. Cette journée supposée "tranquille" se transforme donc en véritable exploration du sud de l'île. J'ai marché, marché sans m'arrêter d'un quartier à un autre, de block en block. Voyant défiler des immeubles et des atmosphères hétéroclites. Et puis subitement je me retrouve près du World Trade Center, près de la baie de Manhattan, près d'un panorama génial, un hot-dog s'impose. Je décide de me lancer à l'assaut de la statue de la liberté. Manque de bol je me choppe un orage apocalyptique pendant la traversée en ferry, l'atmosphère est digne d'un film catastrophe hollywoodien de Roland Emmerich et ça aussi ça fera partie des souvenirs. Ce qui restera surtout dans ma mémoire ce sera ces heures passées sur le chemin du retour. Rarement je ne me suis senti aussi libre. J'ai été rapidement boulimique de cette ville. Quand on est là-bas, il y a toujours quelque chose qui attire l'oeil, on a toujours envie de savoir ce qu'il y a derrière chaque pâté de maison, tant les ambiances d'un block à l'autre sont différentes. Bref, l'adaptation fut donc fulgurante, elle s'est faite avec passion. J'ai déjà fusionné avec la ville. Mais j'ai aussi choppé de vilaines ampoules aux pieds qui me poursuivront toute la semaine. Bien joué... j'avais pas eu d'aussi vilaines ampoules depuis... bah depuis le moment précis où l'idée de venir ici a germé. J'ai fait un petit bout de chemin depuis cette époque... Ces ampoules-ci sont des douleurs de bonheur.


Je ne suis plus un troufion méprisé et loser. Je suis  devenu un aventurier qui réalise ses rêves. La semaine la plus incroyable de ma vie pouvait commencer. Je l'ai fait. J'y suis pour de vrai. J'emmerde tellement ceux qui m'ont jugé et rabaissé.