samedi 16 février 2013

Malbouffe et conséquences.

Autant que je me souvienne j'ai toujours mis les mains dans la bidoche.
Cela pourrait inspirer de la répulsion à la plupart des gens mais en ce qui me concerne, la viande crue ne me dégoûtait pas, je m'en foutais. Le métier de boucher est mal considéré, c'est dommage car ce n'est qu'une question d'habitude. Depuis mon plus jeune âge j'ai toujours eu ce contact avec la viande. Tous les 6 mois environ, mes parents et mes grand-parents tuaient le cochon. J'avais 5 ans que je voyais déjà mon père et le boucher de campagne découper la grosse bestiole en morceaux dans une vieille remise de la ferme. Après j'aidais aussi ma maman à faire le pâté et la saucisse. On en partageait un morceau avec les voisins. C'était de bon moments et c'était quand même surtout de la putain de bonne bouffe.
Pour moi c'était pas dégoûtant, c'était naturel et c'était même parfois vachement marrant.


Il y a quelques années, j'ai bossé dans une petite charcuterie industrielle. Dans le coin, y'en a pas mal. Ces entreprises sont même quelques-unes des principaux pourvoyeurs d'emplois de la région. J'y allais pendant les vacances d'été quand j'étais étudiant. Et puis j'y suis retourné pendant 2 années entières quand j'ai divorcé de la fac. J'y ai appris le travail, à connaître plein de gens différents. J'ai été aussi au contact d'une autre forme de transformation de la viande...
Cette usine a depuis toujours détenu la réputation de faire des bons produits. Et je dois avouer qu'au début c'était quand même le cas. Alors bien sûr la qualité était moindre que le cochon de pépé, il y avait quelques méthodes industrielles parfois étranges... mais rien de très choquant éthiquement parlant.

Et puis lors de ma dernière année là-bas, un nouveau directeur s'est pointé. Et tous les procédés industriels ont changé. J'ai vu des camions de marchandises espagnoles arriver alors que les éleveurs porcins du coins n'arrivaient pas à vendre leurs animaux. J'ai senti la puanteur qui accompagnait ces chargements. (la chaîne du froid ne devait pas être super bien respectée...) J'ai marqué ces jambons avec un tampon les labellisant comme étant une viande élaborée en France.
Et j'ai vu le répugnant, le choquant. Chez nous il n'y avait pas de gaspillage. Les invendus, la viande cabossée ou mal conditionnée, les retours clients étaient tous rassemblés, mixés et mélangés à une solution salée et épicée: la saumure. Cette saumure de la honte était ainsi administrée dans chaque jambon "conforme" grâce à une énorme machine: un injecteur géant qui ponctionnait chaque pièce de viande grâce à des aiguilles. C'était légal à partir du moment où cette bouillie infâme ne dépassait pas 10% du poids total de la composition de la pièce de viande. Notre entreprise a vu ses chiffres s'améliorer. On a eu un plus gros cadeau à Noël. Tant pis pour la bonne conscience. Perso, j'ai eu honte et j'ai tourné de l'oeil plus d'une fois.


A chaque scandale sanitaire ou agro-alimentaire le grand public semble tomber des nues lorsqu'il découvre les conditions d'élaborations des produits. Aucune leçon n'a été tirée des scandales précédents. On trouve du cheval dans les plats préparés au boeuf sans connaître la traçabilité de l'animal. Findus qui a changé 3 fois de directeur en 2 ans: ce qui entraîne des politiques de réduction de coûts, donc appel à des sous-traitants douteux... Le même scénario que dans ma charcuterie. Coïncidence...
Par ailleurs l'UE profite de ce scandale pour autoriser en loucedé le retour des farines animales pour les élevages de poissons. Dans une Europe en voie de se paupériser, la bouffe low-coast a encore de beaux jours devant elle.
J'ai vu mes parents en chier et maintenir tant bien que mal leur bateau à flots lors de chaque crise sanitaire et agricole: vache folle, fièvre aphteuse, grippe du poulet, grippe porcine. Aujourd'hui les contrôles sont toujours plus grands envers les éleveurs... et toujours plus laxistes envers les industriels qui paradoxalement continuent à avoir le droit de faire à peu près tout ce qu'ils veulent. Ces contrôles sont mêmes totalement inexistants envers cette nuée d'intermédiaires parasites qui s'engraissent sur le dos des producteurs en toute impunité. Les règles ne sont pas les mêmes pour tous... est ce bien surprenant ?

-"Pour votre santé: bougez plus!"
-" Pour votre santé évitez de manger trop gras trop sucré trop salé!"
Si ce sont les seuls conseils que recommande le ministère de la santé pour notre nutrition, on a le temps de crever 1000 fois. Et si la Findus monde était en marche?